Angleterre
Ah, chères Terres Britanniques… Pays des Beatles, d’Harry Potter, du pied droit de David Beckham… et de son pied gauche aussi. “Un petit pays, mais une grande nation” comme le dirait Hugh Grant dans le cultissime Love Actually (les vrais fans auront remarqué que la vanne sur David Beckham lui est volée aussi, sorry Hugh) ! Mais n’en déplaise au très talentueux Gordon Ramsay, les anglais sont plus réputés pour leur musique ou leur littérature, que pour leur gastronomie.
Je vois déjà des souvenirs douloureux défiler dans ta mémoire… Ne nie pas, tu penses à Mrs Fitsburry, mère de la famille qui t’as accueilli durant ton échange scolaire de 4ème. Elle était adorable, mais tu étais horrifié par le sandwich beurre-banane qu’elle glissait chaque matin dans ton sac. 3 semaines à manger cet infâme casse croûte pour ta pause déjeuner, ça marque à vie.
Mais il n’y avait pas que ça, n’est-ce pas ? A la fin de chaque repas, Mrs Fitsburry te proposait sa jelly, avec chaque jour des couleurs encore plus inquiétantes (ouais, du caoutchouc gluant vert fluo, c’est flippant quand on y pense). Essuie cette goutte de sueur que je vois déjà perler sur ton front, la gastronomie – et en l’occurrence, la pâtisserie – anglaise a tout de même du bon. Avant de continuer cette lecture, remet toi dans un good mood. Ici, nous allons parler de Elizabeth II, euh non, de gâteaux, de sucre et d’histoire ! Ca y est, ça va mieux ? Alors installe toi confortablement et prépare toi une cup of tea, nous partons pour un petit voyage culinaire chez nos amis d’outre-Manche !
Aux origines d’un anti-mythe
Alors, que retrouve-t-on dans leurs délices sucrés ? Eh bien, des oeufs, du beurre, une dose de farine, une dose de sucre, de la crème… avec parfois en prime, un filet de buttermilk (il s’agit d’un lait pasteurisé puis caillé, au goût très lacté et légèrement acide). Et beaucoup de fruits ! Fruits secs, fruits confits, purées de fruits, fruits frais sont présents dans une majeure partie des desserts : apple pie, muffins aux myrtilles, Victoria sponge cake, mince pie, puddings, crumbles… Mis à part cette particularité, ce sont plus ou moins les mêmes ingrédients que ceux des pâtisseries d’ici et d’ailleurs.
Un premier point sur lequel nos amis British marquent la différence, c’est le mode de cuisson utilisé. Certaines recettes emblématiques, comme le pudding, sont cuites à la vapeur. La principale différence que cette cuisson implique – et pas des moindres – c’est qu’elle privilégie le moelleux. Adieu à la croûte croustillante avec la cuisson vapeur ! On retrouve également plusieurs gâteaux cuits sur une plaque de cuisson, posée sur la gazinière. Des biscuits assez simples, nappés de confiture, de beurre ou de crème.
Globalement, là où les critiques fusent, c’est dans le dosage et l’assemblage. Souvent très sucrées, bourratives, avec des associations de saveurs et de textures parfois What-the-fuck, les sucreries anglaises font dans le too-much. Tout cela est une question de goûts me direz-vous, certains adorent tandis que les papilles plus délicates y verront un met sans raffinement. Et pourtant, jusqu’au XIV siècle, il n’y avait pas vraiment de pâtisseries sucrées au Royaume-Uni.
Un peu d’histoire
On sait que les romains, qui sont restés du Ier au V siècle après J-C sur les terres anglaises, cuisinaient des petits gâteaux au miel et aux noix. Logiquement, ces pratiques auraient dû influencer les anglais et perdurer dans leur cuisine… Malgré cela, on ne retrouve pas de traces de gâteaux sucrés avant le XIV siècle, période où la canne à sucre, puis le sucre raffiné (en 1540) ont été importés sur l’île. Avant l’arrivée de ces nouveautés, nos chers Rosbeefs étaient si attachés à leur viande, qu’ils en faisaient une pâtisserie-charcuterie !
Eh oui, beaucoup de recettes que nous connaissons aujourd’hui comme sucrées étaient à l’origine salées. Les tourtes au boeuf ont donné naissance aux tartes aux pommes, le pudding était un moyen de conserver le surplus de viande (c’était clairement un gloubi-boulga de mie de pain et de viande), les mince pies étaient fourrées à la viande (mince voulant dire viande hachée)… même la crème anglaise, inventée par Custard Lombard (d’où le nom “custard” utilisé encore de nos jours) contenait en 1440 du persil et de la moelle. Alors comment expliquer ce virage à 180° et leur passion actuelle pour le sucre ?
Tout d’abord, l’importation du thé a joué un rôle majeur. Initialement, 2 repas ponctuaient les journées anglaises : un petit déjeuner et un dîner très copieux. A partir du XVII siècle, l’engouement pour le thé a modifié les habitudes alimentaires : le tea-time de 16h est devenu un rituel, à partager en famille et surtout entre amis. Chaque région avait son petit gâteau de prédilection pour accompagner le thé, avec des compositions néanmoins très similaires, et tous accompagnés de confiture, de crème ou de beurre. Au pays de Galles, c’était le welsh cake ou le Bara Brith. Dans la région de Yorkshire, c’était les fat rascals (stylé comme nom, non ?). Pour les écossais c’était les shortbreads et les scones, qui ont d’ailleurs été créés bien avant l’importation du thé, puis popularisés sur les tables de tea-time dans tout le Royaume-Uni. Enfin, l’influence des colonies britanniques et la venue de cuisiniers étrangers a joué un rôle primordial.
Le melting pot des saveurs
Les talents de chefs pâtissiers venus des 4 coins du globe ont permis de réinventer de nombreuses recettes. Par exemple, saviez-vous que la Charlotte était une pâtisserie anglaise ? Elle a été créé en l’honneur de l’épouse du roi George III. C’était à l’origine un pudding très simple, cuit dans un moule aux bords évasés, composé de mie de pain et garni de compote de fruit. Rien à voir avec la délicieuse crème bavaroise dans son moule de biscuits cuillères que l’on connaît aujourd’hui… C’est un chef pâtissier français au service de la couronne d’Angleterre, Antonin Carême, qui a modernisé la recette pour en faire un entremet léger à déguster froid. La crème anglaise évoquée plus haut a également été améliorée par un français. A l’inverse, le carrot cake, que beaucoup pensent anglais, est en fait un dessert suisse, que les anglais se sont appropriés pour leurs fameux tea-time. Des exemples similaires, il y en à la pelle !
Fort de leurs colonies et de leur influence dans le monde, les britanniques ont fait jouer la créativité de nombreux chefs pour enrichir leur recettes originelles, et inversement, afin de composer de nouveaux gâteaux. Cette île a su tenir compte de ses avantages économiques pour innover, tout en respectant la traditionnalité de ses recettes ancestrales. On peut le constater avec par exemple le fameux pudding de Noël, qui réunit toute la famille plusieurs semaines avant Noel pour commencer la préparation ensemble (oui vous avez bien lu, plusieurs semaines… le Christmas Pudding est un gâteau considéré comme impérissable, il se conserve même plusieurs mois !). Il n’y a pas de recette unique puisque chaque famille garde son petit secret de préparation. Ce sont d’ailleurs ces recettes qui font la fierté des familles anglaises, créant ainsi de belles diversités dans les régions du Royaume-Uni.